Sea-Bird, Pour Moi, Empery : quand la marseillaise retentissait Ă  Epsom

05/06/2025 - Actualités
Samedi, les chevaux français Midak et New Ground seront au départ du Derby d’Epsom. Ils tenteront d’imiter des illustres tricolores qui avant eux sont venus battre les redoutables anglo-irlandais. 

 Epsom et son interminable ligne droite


Ce samedi, se disputera la 246e édition de la course la plus importante de notre sport : le Derby d’Epsom. Importante de part son aura et sa renommée mondiale, mais aussi par l’impact que cette épreuve a su l’ensemble de la filière. Depuis le 18e siècle, éleveurs et propriétaires investissent, établissent leurs croisements notamment pour remporter cette course. De par son parcours exigeant, seul un cheval hors norme, à la fois rapide, endurant, et mentalement solide peut s’imposer dans le Derby. Si le palmarès de l’épreuve est ultra majoritairement dominé par des chevaux entraînés en Angleterre et en Irlande, au cours de l’histoire plusieurs intrépides français sont parvenus à décrocher le graal. (Re)découvrez certains des vainqueurs tricolores les plus illustres.
 
1914 : Durbar, le non pur-sang pionnier
 
Elevé en France par l’américain Herman Duryea, qui avait quitté son pays d’origine pour échapper à la loi anti-paris qui avait fragilisé l’industrie des courses locales, Durbar fut confié poulain à l’entraîneur britannique basé en France Tom Murphy. Après avoir couru quatre fois à 2 ans sans succès, le poulain passa un cap à 3 ans, s’adjugeant notamment le Prix Noailles. Après un échec dans la Poule (dû à un mauvais départ), Durbar est présenté au départ du Derby. Outsider à 20/1 il parvient à dominer ses 29 rivaux et devient le tout premier cheval entrainé en France à briller dans la course. Pour l’anectode, le cheval étant issu d’une lignée maternelle américaine, son pedigree ne fut pas validé par les autorités britanniques, que ne l’ont pas reconnu comme « pur-sang ». Qu’importe, cet « AQPS » a par la suite eu une belle réussite au haras produisant des chevaux comme Durban (Prix Vermeille) ou Scaramouche (Prix de la Forêt).
 
 
 Durbar, ramené par son propriétaire Mr Duryea
 
 
1950 : Galcador pour le duo magique Semblat-Boussac
 
Au sortir de la Deuxième Guerre Mondiale, un industriel nommé Marcel Boussac domine le turf français. Il confie ses élèves maison à un certain Charles-Henri Semblat, ex jockey vedette devenu entraîneur à succès, dont la vie vous a été comptée ici. Issu de Djebel, Galcador débute victorieusement à 2 ans sur 1000 mètres à Longchamp. L’année suivante, il remporte le Prix Daphnis au Tremblay avant d’être battu par le futur vainqueur d’Arc Tantième dans la Poule d’Essai. Dix jours plus tard, Galcador est présenté au départ du Derby à la cote de 11/1. Monté très offensivement, le favori de la course Prince Simon possédait une avance confortable à l’entrée de la longue ligne droite. Mais dans les toutes dernières battues, ce dernier a vu la victoire lui être subtilisée par le poulain français, qui l’emporte d’une tête. Cette année-là, Semblat réussit l’exploit de conclure tête de liste des entraîneurs en Angleterre, fort de ses autres succès dans les Oaks et le St Leger. Le tout sans avoir vu un seul de ses chevaux courir sur le sol anglais. Semblat préférait en effet rester en France, afin de superviser l’entraînement quotidien.
 
 
 Galcador et Marcel Boussac
 
 
1955 et 1956 : le back to back de Phil Drake et Lavandin
 
Vraisemblablement inspirés par le succès de Galcador, François Mathet et Alec Head, deux monstres sacrés de l’entraînement hexagonal ont à leur tour décidé de tenter leur chance, au milieu des années 50. Préservé à 2 ans, Phil Drake a débuté dans le Prix Juigné, en concluant bon 2e derrière son compagnon d’entraînement Datour. A l’issue de cette épreuve, le poulain a développé des problèmes respiratoires, qui ont un temps poussé son entourage à annuler son engagement dans le Derby. Malgré cela, Phil Drake réalisa une démonstration lors de sa sortie suivante dans le Prix la Rochette. Le temps que la nouvelle ne parvienne jusqu’aux oreilles des bookmakers anglais, des joueurs bien informés ont eu le temps de placer des paris sur lui à 50/1. Devant 200 000 personnes dont la Reine d’Angleterre, Phil Drake, associé à Freddie Palmer s’adjuge la couronne au prix d’une accélération final décoiffante. Lors de sa sortie suivante, il remporta le Grand Prix de Paris, devenant le tout dernier cheval de l’histoire à réaliser ce doublé.
 
 
Propriété de Pierre Wertheimer (le grand-père d’Alain et Gérard), Lavandin est issu du croisement entre le vainqueur d’Arc Verso et de Lavande, qui avait déjà produit le champion sprinter Le Lavandou. Alors que la jument était vide durant quatre année successives, Pierre Wertheimer avait décidé de s’en séparer, mais le Comte de Chambure (propriétaire de l’étalon Verso) a réussi à lui faire changer d’avis. Une bénédiction puisque Lavande fut enfin pleine et mis au monde Lavandin. Après avoir été malheureux 3e dans le Prix Hocquart, le poulain fut aligné dans le Derby, à la cote de méfiance de 7/1. Après avoir pris l’avantage très tôt dans la ligne droite, Lavandin a su au courage résister à toutes les attaques, et offrir un deuxième Derby consécutif à la France. A la suite de cette victoire, les journalistes britanniques de l’époque avaient déclaré que les courses anglaises avaient « touché le fond ».
 
 
 Lavandin
 
 
1965 : Sea Bird, le cheval du siècle
 
Le 2 juin 1965, l’hippodrome d’Epsom fut le théâtre d’un moment d’exception dans l’histoire des courses : la victoire éclatante de Sea Bird (de son vrai nom Sea-Bird II) dans le Derby d’Epsom. Entraîné à Chantilly par Étienne Pollet et monté par l’Australien Pat Glennon, le poulain français survola l’opposition. Face à 21 adversaires de haut niveau, Sea Bird s'imposa avec une facilité déconcertante, laissant Meadow Court, futur vainqueur de l’Irish Derby et des King George, à plus de deux longueurs. Ce qui frappa les observateurs, ce fut la maîtrise absolue avec laquelle Sea-Bird domina la course, son jockey n’ayant jamais besoin de forcer le talent de son partenaire. Ce succès marqua non seulement la consécration de l’élevage français sur la scène internationale, mais aussi l’émergence d’un cheval hors normes, considéré par John Randall et Tony Morris, les auteurs de A Century of Champions comme le meilleur cheval du 20e siècle devant Secretariat et Ribot.
 
 
 Sea Bird établissait le plus haut rating Timeform du 20e siècle en 145
 
 
1976 : Empery et l’audace de Maurice Zilber
 
Au sommet de son art, Maurice Zilber avait annoncé au début de l’année 1976 qu’il gagnerait le Prix du Jockey Club et le Derby d’Epsom. Son meilleur 3 ans Youth s’est baladé dans le Classique français, tandis qu’Empery est allé défier les britanniques sur leur sol. Bien que ce dernier n’ait pas le CV le plus ronflant, Zilber abordait le Derby avec la ferme intention de s’imposer. En analysant les partants, il avait remarqué que les locaux pouvaient pêcher par manque de tenue. Avant la course, il s’est même permis de dire à Henry Cecil, l’entraîneur du favori Wollow qu’il n’avait pas à stresser, car c’est son cheval Empery qui allait gagner. Quelques minutes plus tard, porté au poteau par Mister Derby, Lester Piggott, le poulain s’imposa avec autorité. La légende raconte que Zilber qui n’avait eu de cesse de parier sur son poulain tout le printemps aurait pris près de £300 000 aux bookmakers grâce à ce succès.
 
 
 
 
2011 : Pour Moi, le maître Fabre et le jeune Barza
 
Trente-cinq ans après Empery, le meilleur entraîneur français de l’histoire André Fabre présentait Pour Moi au départ du Derby 2011. Auréolé de son succès dans le Prix Greffulhe (Gr.2) sur 2000 mètres, le fils de Montjeu se présentait au départ du Derby avec sur son dos Mickael Barzalona, 19 ans, qui venait d’enlever son premier Gr.1 quelques jours auparavant. Après avoir patienté en queue de peloton, Pour Moi plaça une accélération dévastatrice et regagnait mètre par mètre sur le O’Brien Treasure Beach. La suite est rentrée dans l’histoire des courses. Sur de lui, Mickael Barzalona se mis debout dans les étriers avant même la ligne franchie.
 
 
Mickael Barzalona et sa célébration iconique

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